Loading
Spot, un dispositif audio RFID
 
 

SPOT : le jukebox RFID à monter soi-même

Je souhaite partager un projet qui me tient à cœur, et peut-être ainsi donner envie à certain(e)s de le réaliser. Il s’agit d’un dispositif cousin du jukebox renfermant une carte arduino contrôlant un lecteur MP3 à déclenchement RFID.

Cette vidéo rend la chose plus intelligible :

Le principe est donc le suivant : on pose un document sur SPOT (un simple survol suffit aussi), la lecture se déclenche. En fonction du mode de lecture choisi, grâce à un commutateur à levier, la borne diffuse soit l’un des titres de l’album identifié, soit un commentaire préenregistré par le discothécaire (chronique et/ou information contextuelle en rapport avec l’artiste, l’œuvre…)

A l’heure où « les bibliothèques se réinventent tous azimuts avant tout pour « faire moderne » », ce dispositif réunit en son sein les missions traditionnelles  de médiation autour des collections physiques et des techniques numériques innovantes hors des schémas industriels classiques, dans une démarche  de conception « Do It Yourself »
 caractéristique du mouvement des Makers.

[Un spot désigne autant un lieu (interface tangible identifié au sein des collections physiques) qu’un projecteur utilisé pour l’éclairage de spectacles ou de studios de tournage et dont l’objectif  est d’éclairer un point précis. De même le verbe anglais « to spot » signifie repérer, détecter, trouver, remarquer, identifier, situer… Enfin, on peut déplier SPOT en un acronyme : Spread Open Tracks que l’on peut traduire par Disséminer/répandre des titres audio/pistes/trajectoires libres.]

Une interface simple

SpotBlue

Ce mode opératoire est beaucoup moins contraignant pour l’usager qui souhaiterait simplement découvrir un album, sans avoir à utiliser une éventuelle platine cd, ni sans forcément l’emprunter. Le caractère immédiat et direct de cette rencontre entre l’usager et l’oeuvre, permis par la technologie RFID, rend la borne attrayante.

De plus, ce dispositif tangible, sans écran, fait appel au geste, à la capacité à entrer en contact de manière concrète avec l’objet produisant ainsi une expérience utilisateur dite « naturelle » comme définit par Thierry Lehmann (responsable pédagogique du programme de cycle master Interfaces tangibles à L’école de design Nantes Atlantique :
« L’enjeu des interfaces tangibles est de proposer des modalités d’interaction plus naturelles, se passant délibérément de la métaphore, du filtre intellectualisant la fonction, au profit d’une manipulation intuitive. (…) L’idée est de sortir de cette surface « glacée » que représente l’écran : l’objet et l’environnement deviennent alors supports et interfaces. »

Concernant l’intégration, SPOT peut s’encapsuler dans un boitier plastique ou bois de dimensions très réduites, cependant il est préférable, à mon sens, de ménager un espace suffisant pour inviter à poser un document sur la zone RFID. J’ai choisi de l’intégrer dans un cadre en bois classique de 30 sur 40 cm. Ainsi il peut se fixer verticalement sur une borne de signalétique, éventuellement un mur (le document n’a pas besoin d’être laissé sur la borne, une seconde suffit pour l’identifier) ou horizontalement sur une table.

La signalétique de SPOT est constituée d’étiquettes collantes de type film vinyle. J’utilise pour cela une découpeuse vinyle (qui rend bien des services !). Un film transparent en PVC (avec un trou pour le commutateur) vient ensuite protéger l’interface. Les détails techniques seront fournis dans le prochain billet.

Contenus libres et bibliothèque : une « symbiose » à développer

Cet extrait du blog (sous licence CC0 !) de Lionel Maurel sur la valorisation des contenus libres de droit en bibliothèque résume les fondements théoriques du projet :
« Avec les contenus libres, une véritable relation “symbiotique” pourrait s’instaurer avec les bibliothèques. En effet, les artistes qui placent leurs oeuvres sous licence libre ne bénéficient généralement pas des circuits de distribution du secteur commercial. Ils peuvent dès lors avoir du mal à se faire connaître du public et ont donc particulièrement besoin de recommandation et de médiation pour percer. De leurs côtés, les bibliothécaires ont du mal à valoriser convenablement les contenus commerciaux à cause des barrières qu’on leur impose. Il y aurait donc un bénéfice mutuel à ce que des initiatives comme Ziklibrenbib se développent, pour tous les types d’oeuvres et pas seulement pour la musique, même si c’est sans doute dans ce domaine que la production d‘oeuvres libres est la plus abondante. »
Ainsi, l’idée de départ, est de faciliter la découverte des musiques libres en s’appuyant sur Ziklibrenbib, un site collaboratif de discothécaires sélectionnant des œuvres diffusées essentiellement en Creative Commons.

Argumenter

Lorsque je discutais de ce projet, alors, à l’état d’idée, deux critiques revenaient souvent :

  • Un smartphone connecté peut facilement rendre ce même service d’écoute quasi instantané avec, de surcroît, quantité de fonctionnalités.
  • Valoriser un fonds physique de cd est rétrograde.

Tout d’abord, ce jukebox s’adresse aussi aux publics moins technophiles ou moins connectés, en tout cas à ceux n’ayant pas un smartphone, un abonnement à une plateforme de streaming… (Aussi intéressants soient-ils, les dispositifs  de médiation à base de QRCodes ou de NFC « applicatif », parce qu’ils impliquent un smartphone, sont par nature des dispositifs excluant.)

De plus, ainsi que déjà évoqué, la musique libre ne bénéficiant pas, de la visibilité offerte par les circuits de distribution du secteur commercial, valoriser une sélection d’artistes « libres » peut constituer un des axes de médiation du discothécaire.

D’autre part, si les ventes de CD ont fortement baissé, le support physique reste encore (pour combien de temps ?) dans cette étude récente la modalité la plus utilisée pour écouter de la musique. De même dans ce rapport, Xavier Galaup et Fédéric Lemaire relativisent la suprématie supposée de la dématérialisation : « Une grande partie du public utilise encore un lecteur CD. Les plus de 35 ans, qui sont majoritaires dans nos bibliothèques et même s’ils ont des baladeurs numériques, empruntent et écoutent encore la musique sous forme de disques compacts. »
Plus récemment, la revue Tranzistor  a aussi consacré un dossier à ce sujet : « Disque Over ? »

Enfin, au delà de la possibilité d’emprunter l’album en écoute, ce jukebox peut aussi simplement s’envisager comme une borne d’écoute sur place avec des fonctions d’informations, l’écoute musicale ne représentant qu’une composante du dispositif.  Il faut aussi l’appréhender comme une machine à diffuser des commentaires, informations factuelles ou avis critiques sur l’œuvre et l’artiste (créés par des professionnels ou, pourquoi pas, des usagers).

Avis et commentaires audio

En attendant une éventuelle base de commentaires audio commune, le mode « Info » implique une session d’enregistrement. C’est finalement une version audio des étiquettes de critiques/recommandations déjà pratiquées  en librairie ou en bibliothèque.

L’appropriation/compréhension de l’œuvre est ainsi facilitée par un accès instantané à des connaissances (ici des éléments de biographies, des anecdotes, une mise en perspective avec d’autres artistes…) et participent au renforcement des connexions. Le mode de lecture « Info » contribue ainsi à la construction du halo cognitif évoqué par Gilles Rettel.

J’ai choisi de valoriser le travail des discothécaires participant au projet Ziklibrenbib. Souvent très pertinent, les textes de présentation qui accompagnent chacun des albums présentés constituent une bonne base de connaissance à compléter éventuellement. Ces commentaires étant sous licence Creative Commons, le projet est ainsi entièrement basé sur des licences dites libres y compris les schémas fonctionnels/plans d’assemblage pour l’Arduino. (ce n’est pas le cas de tous les composants matériels… mais l’idée est là !)

Application

N’ayant, dans un premier temps, que 10 étiquettes RFID compatibles avec ce module de lecture RFID, je me suis d’abord contenté de sélectionner 10 albums. Cette contrainte n’en est plus vraiment une dans la mesure où mon objectif est d’offrir un coup de projecteur mensuel sur une sélection d’albums de musique libre.  A terme, chaque mois, de nouveaux albums deviendront « compatibles » avec la borne. Cela permet aussi d’étaler le travail de sélection, recherche documentaire et enregistrement de commentaires assez chronophage.
Pour introduire ce nouveau dispositif et en faciliter l’appropriation par le public, le fonds de musique libre (Une centaine de CD créés en interne avec boitiers et jaquettes) rejoindra SPOT dans une mise en espace productrice d’effets et de sens, une scénographie. (Voir, à ce sujet, l’analyse quasi ethnographique de l’art du présentoir de Cécile Rabot)

Pour des raisons légales, j’ai préféré me concentrer sur des œuvres de musique libre. Cela dit, selon votre interprétation du texte de loi qui entoure l’autorisation de reproduction d’une œuvre, on peut envisager d’utiliser cette borne avec des musiques sous copyright (cotisation Sacem pour l’écoute par casques individuels requise). Sur ce sujet, le service Questions? Réponses! de l’Enssib donne quelques pistes :
http://www.enssib.fr/content/peut-copier-un-cd-sur-une-tablette-pour-une-animation

Comment cela fonctionne ?

L’écoute se fait via un casque avec contrôle de volume intégré (cadre percé sur le côté…) ou un haut-parleur (éventuellement télécommandé par le discothécaire).
L ‘ensemble des composants nécessaires à sa réalisation revient, sans le cadre (celui-ci vaut 9€), à une cinquantaine d’euros :

  • arduino Uno (20€)
  • module MP3 (de 2 à 15€ selon le modèle)
  • module RFID (entre 2 et 12€ selon fournisseur)
  • Câbles/bouton…

Le cœur de Spot est une carte Arduino que l’on peut définir comme « une plateforme d’électronique ouverte, simple d’accès et peu coûteuse créée pour permettre la création facile et à bas coûts d’interaction entre objets tangibles, personnes et réseaux. »
Cette machine est réalisable sans connaissance en programmation,  ni électronique. Cette affirmation gagnera en justesse lorsque j’aurai publié le guide de conception !

Si vous avez la chance de travailler dans une médiathèque ayant fait le choix du RFID, ne vous réjouissez pas trop vite : Les protocoles de communication RFID en bibliothèque (Normes ISO 15693 et ISO 18 000-3) sont différents de ceux pratiqués par la majorité des modules RFID compatibles Arduino (même ceux fonctionnant à la fréquence 13,56 MHz).  C’est, à mon avis, tout à fait réalisable mais j’ai, pour l’instant, échoué à faire fonctionner un module RFID M24LR64E a priori compatible
 avec les normes mentionnées ci-dessus.

La version actuelle de SPOT intègre finalement un très ordinaire et abordable (moins de 3€ à l’international !) module RFID RC522 à étiquettes Mifare rendant le projet réalisable par tous, y compris les médiathèques sans RFID. Ce projet implique donc l’achat d’étiquettes RFID/NFC (aussi appelés transpondeurs) en l’occurrence des Mifare :
Les étiquettes NTAG203 utilisés dans ce projet coûtent moins de 45 centimes l’unité.
Il s’agit simplement de lire le numéro qui identifie la puce comme on le ferait avec un scanner à code barres. (On pourrait d’ailleurs à défaut de RFID, utiliser les codes barres avec une carte (shield) dédiée.

Aller plus loin / Améliorer le projet

J’ai choisi de me concentrer sur la musique mais il est tout à fait possible d’envisager la même chose avec des documents papier en ne gardant que la partie « Commentaires ». En partant de cette base matérielle et logicielle, beaucoup de projets peuvent être imaginés. La lecture d’un fichier audio personnalisé se produit lorsqu’il y a un contact avec un objet sur lequel est positionnée une puce Mifare. Partant de ce principe, on peut détourner Spot en insérant des puces rfid dans des objets qui « s’auto-commenteraient » dans un but pédagogique ou ludique (pièces d’échecs, plantes, figurines, peluches, …)

Ce dispositif aurait aussi vocation à être développé sur d’autres fonds et avec de nouvelles fonctionnalités :

  • Remplacement du module RFID RC522 par un module compatible avec « le RFID » des médiathèques françaises (ISO 15693 et ISO 18 000-3…)
  • Connexion à un réseau de ZigBee (ou module wifi…) afin de recevoir les notifications d’utilisations par mail ou pour déclencher un Tweet (sur un compte twitter dédié) composé du titre de la chanson et de l’adresse du site de l’artiste pour chaque album en écoute, etc…
  • Améliorer le système de sauvegarde des données d’utilisation (via EEPROM) avec une horloge RTC pour horodater les statistiques.
  • Ajouter les fonctions « suivant », « pause»… (le module MP3 les intègre déjà)
  • Ajouter un module « Host USB » permettant d’écrire sur une clé USB afin de pouvoir télécharger les albums en écoute (Rasberry plus pertinent ?)
  • Permettre à l’usager de voter (en intégrant un scanner à code barres pour identifier la carte lecteur)
  • Intégrer des Haut-parleurs avec un contrôle du volume (cf télécommande pro)
  • Développer l’aspect accessibilité en direction des déficients visuels
  • Remplacer le Switch deux positions par un commutateur à trois positions permettant de distinguer, par exemple, critiques négatives et positives
  • Disséminer la bibliothèque : Le concept de spot pourrait se développer autour d’un projet de discothèque hors les murs avec une identification sur le territoire de la ville porteuse du projet.

Fabriquer des « SPOT » portatifs (avec un mini arduino ou un microprocesseur équivalent) et les prêter :

  • pour une exposition avec déclenchement de commentaires en survolant le cartel associé à une œuvre. (oui, cela existe déjà mais c’est plus cher !)
  • pour des documents d’archives
  • etc…

Il s’agit d’un projet sous licence Creative commons. Sa reproduction/modification/amélioration n’est pas tolérée, elle est encouragée ! Dans cette perspective, le prochain article donnera les clés pour en faciliter les répliques.

Cet article, ses images et la vidéo sont sous licence CC BY-NC 2.0.

Spot2modeRAP2cd

12 Commentaires

  1. Pingback : Juliette Erdinger (numerique_en_bib) | Pearltrees

  2. Pingback : SPOT : le jukebox RFID à monter soi-m&ec...

  3. par Stef sur 22 février 2016  8 h 47 min Répondre

    On attend les détails techniques avec impatience !

  4. Pingback : Musique en bibliothèque | Pearltrees

  5. Pingback : SPOT : le jukebox RFID à monter soi-m&ec...

  6. Pingback : Ressources numériques | Pearltrees

  7. Pingback : Un autre monde numérique est possible | Pearltrees

  8. Pingback : Discothécaires : en voie de disparition? | Bibliotrends

  9. par D'Jack sur 6 février 2017  16 h 45 min Répondre

    Bonjour! Cela fait un moment que je cherche un tel projet à reproduire, n'ayant pas suffisamment de savoirs en la matière. Même si je viens de commander un kit arduino uno afin d'être moins idiot dans ce domaine. J'avais trouvé un projet similaire très intéressant à base d'e Raspberry :
    http://www.technomestique.com/
    Projet qui utilise justement les codes barres déjà présent sur les pochettes de CD, évitant l'achat de Tags Mifare ou autres. Mais ce qui ne me plaît pas dans ce projet est la dépendance au web. Je suis complétement d'accord avec votre principe de simplicité et d'autonomie!
    Pensez-vous qu'il est réalisable en autonome aussi avec le lecteur de codes barres?
    Sinon j'ai quelques craintes à me lancer dans la construction de votre joli Spot. Pas pour la partie électronique, mais pour le code… Alors pourrez-vous me conseiller si je me lance?
    Bravo en tous cas pour ce très chouette projet ! Ce qui me plaît beaucoup aussi c'est la partie "documentation" du morceau joué. Super !!

    • par Jean sur 7 février 2017  11 h 13 min Répondre

      Bonjour D'Jack, merci pour votre commentaire.
      Le projet à base de Raspberry que vous mentionnez n’est pas dépendant du web, il s’agit comme pour Spot d’une simple lecture de fichiers audio contenus sur une carte SD.
      Vous pouvez effectivement remplacer la technologie RFID par une lecture de code barre.
      Je vous réponds plus en détail par mail.

  10. par S. sur 27 juin 2018  18 h 09 min Répondre

    super projet

    j'ai réalisé indépendamment le même genre de lecteur, qui tient dans une petite malette pour mon garçon qui est ravi de tagger et d'écouter ses disques

    pour ma part j'ai pris le parti d'un rapsberry pi qui, si on passe outre le temps de boot, est plus flexible car il permet de développer en python

    en tout ca si vous cherchez à développer en raspberry pi , j'ai déjà une armature en python que je serais ravi de partager

    S.

  11. Pingback : Un jukebox RFID de musique libre

Laisser un commentaire…

Votre email ne sera pas publié.